José Raisson, diacre sur la paroisse d’Aucamville et auteur du livre «Sortir de la honte » publié aux éditions l’Harmattan en août 2024. Interview.
« J’ai traversé de nombreuses formes de honte. Battu par ma mère, moqué par mes camarades, agressé par un prêtre, puis abandonné dans la rue. La honte, c’est ce regard accusateur que l’on perçoit et qui, peu à peu, se transforme en un fardeau intérieur. On finit par croire qu’on en est responsable, à confondre honte et culpabilité, et cela devient un poids insupportable. Beaucoup en souffrent en silence, certains jusqu’à en perdre l’envie de vivre. Mais on ne peut pas s’en libérer seul : il faut en parler.
Je me souviens de mon enfance, lorsque j’étais louveteau. Un prêtre m’a agressé sexuellement dans la crypte de l’Église Saint-Aubin. À l’époque, un malaise profond m’envahissait, mais je ne comprenais pas pourquoi. Ce n’était pas une expérience isolée : en discutant avec d’autres, j’ai découvert que je n’étais pas le seul et surtout que mes parents avaient aussi été victimes d’abus. Après cela, mes tantes m’ont accueilli et notamment ma tante Anne, avec ses huit enfants, m’a pris sous son aile. Chaque histoire est unique, et j’en partage certaines dans mon livre.
Issu d’une famille catholique pratiquante, j’ai cherché d’autres réponses après cet événement. Un accident de voiture, qui faillit me coûter la vie, a été un tournant décisif. À l’époque, étudiant en chimie, j’avais entre 20 et 25 ans. Cet accident m’a poussé à remettre en question ma vie et à chercher un sens à travers la prière. C’est alors que j’ai découvert la Providence et que j’ai pris conscience que Dieu veille sur nous.
J’ai rejoint un groupe de prière, l’Olivier, où j’ai rencontré l’Esprit Saint et appris à accueillir l’amour de Dieu. Même dans les moments les plus sombres, comme la maladie et le décès de mon épouse, j’ai gardé cette foi profonde. La perte de notre fille aînée, Marie-Noëlle, autiste, a été un autre défi, mais nous avons eu trois autres enfants en bonne santé.
En tant qu’accompagnateur, j’ai entendu de nombreux récits poignants de victimes. Un jour, j’ai appris qu’un ami avait agressé sa propre fille handicapée. Ce choc a réveillé des souvenirs enfouis depuis trop longtemps. C’est alors que j’ai compris qu’il fallait entamer un véritable travail de reconstruction. Cela m’a conduit à participer à des groupes de parole et à m’engager dans la Diaconie. Aujourd’hui, je porte encore des séquelles, mais aider les autres me permet de continuer à avancer.
Peu à peu, des personnes ont commencé à se confier à moi, à partager leur souffrance. Lors d’une retraite spirituelle, j’ai pris conscience de ma propre honte. Ce Vendredi saint, j’ai ressenti profondément que le Christ me disait : « Je veux te libérer de cette honte. » Ce fut un déclencheur, mais le chemin reste encore long.
Dans ses dernières années de vie, ma mère m’a demandé pardon pour les violences qu’elle m’avait infligées. Le pardon a pris du temps, mais il était essentiel pour ma guérison.
En 1985, Monseigneur Collini m’a appelé au diaconat. J’ai fait le choix de me consacrer au service du Corps du Christ, en particulier auprès des gitans et des personnes handicapées mentales, notamment avec Foi et Lumière. Aujourd’hui, mon engagement reste le même : accompagner ceux qui vivent dans la honte, tout comme moi.
Si le Seigneur m’a guéri, il est important pour moi de partager ce chemin. Avec 40 ans de diaconat, je vois la vie sous un angle différent. À une époque, je me demandais pourquoi la vie était si difficile. Aujourd’hui, je m’émerveille de la bénédiction d’avoir reçu tant de grâces.
Il est essentiel de s’occuper de ceux qui souffrent. Mais la prévention seule ne suffit pas : il faut tendre la main à ceux qui sont seuls et souffrants, les écouter, les aider à découvrir ce qu’ils ont de positif. C’est ce que j’aurais aimé recevoir dans ma jeunesse.
Pour ceux qui ne peuvent pas exprimer leur souffrance, ceux qui ont été agressés sexuellement ou qui souffrent psychiquement, il est crucial de leur montrer que Dieu les aide dans leurs faiblesses. Il faut les regarder avec un regard plein d’amour, comme Dieu les voit comme des personnes précieuses. C’est ce que l’on voit, par exemple, avec l’aveugle guéri par Jésus. À travers cette guérison, la gloire de Dieu se manifeste, et c’est l’œuvre qu’il veut accomplir en chacun de nous. «
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Synopsis :
Ayant passé son enfance avec une maladie psychique, l’auteur a été écrasé par la honte pendant 40 ans. À présent libéré, l’auteur propose aux victimes un chemin par étapes pour sortir de l’humiliation et de la honte. Trois témoignages illustrent la diversité des situations et les processus libérateurs. Explorer le mécanisme de la honte permet de la distinguer de la culpabilité qui l’accompagne souvent, mais dont la libération est bien plus simple. La honte est une souffrance sociale, qui demande une approche sociale.
Deux étapes indispensables consistent à décider au moment voulu d’éclairer son passé douloureux et à trouver le meilleur écoutant à qui confier son vécu avec ses émotions. Il sera hautement bénéfique de découvrir et même rencontrer Jésus vivant, libérateur exceptionnel des personnes humiliées et honteuses. Il est très utile, à la personne comme à la société, de demander justice, par voie pénale, canonique ou restaurative. Obtenir justice est souvent ardu mais doit être tenté, afin de bâtir une vie nouvelle.
Sortir de la honte de José Raisson
16€ aux éditions Harmattant
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