Le 17 mai 2025, le Pôle Provincial de Toulouse a réuni les membres de ses Cellules d’Écoute (CE) pour une journée de travail. Cette rencontre visait à harmoniser les pratiques, renforcer la qualité de l’accompagnement des victimes, et faire face aux nouveaux défis liés aux abus, notamment sur majeurs vulnérables.
Une initiative saluée par Mgr de Kerimel, qui a exprimé sa reconnaissance pour ce service discret mais vital.
Relecture de la mission : entre constats et renouvellement
Un audit national révélateur
En 2023, un audit mené par la Conférence des Évêques de France (CEF) a permis d’identifier plusieurs évolutions :
- Une stabilisation, voire une baisse des sollicitations des cellules d’écoute, après le choc du rapport de la CIASE.
- Le renouvellement des deux tiers des membres des cellules d’écoute, ce qui appelle à une vigilance constante et à une montée en compétences.
Les nouveaux défis pour les cellules d’écoute
Les membres présents ont souligné la nécessité de :
- Clarifier les missions et les limites des cellules d’écoute,
- Travailler à une meilleure visibilité,
- Définir des protocoles précis d’accueil et de suivi,
- Organiser la formation continue des écoutants,
- Mettre en place une gestion rigoureuse des données (archivage, confidentialité).
Vers une normalisation nationale avec des outils concrets
Suite aux résolutions votées en 2022, un cadre canonique et organisationnel est recommandé :
- Lettre de nomination individuelle,
- Budget alloué,
- Charte de fonctionnement,
- Protocole d’écoute et fiche de recueil de témoignage.
La cellule d’écoute reste un lieu d’écoute et d’orientation, et non de soins, d’enquête ou de thérapie. Elle éclaire les décisions de l’évêque sans se substituer à la justice.
Une vigilance accrue pour les victimes majeurs
Le témoignage poignant d’une victime adulte vulnérable
Le témoignage de Marie-Christine, victime d’abus sexuels au sein de l’Église, a profondément marqué l’assemblée. Elle y raconte son parcours de souffrance, ses difficultés à faire reconnaître les faits, et la violence symbolique d’une médiation mal accompagnée. Ce récit met en lumière la fragilité psychologique des victimes adultes et le risque de revictimisation.
L’importance de la posture des écoutants dans l’accompagnement
Les écoutants, dans leur mission, doivent faire preuve d’une grande neutralité et d’une transparence constante, tant dans leur posture que dans leurs propos. Il leur est essentiel de savoir reconnaître leurs propres limites émotionnelles, afin d’éviter toute implication affective excessive ou confusion des rôles.
Par ailleurs, ils doivent éviter toute situation de proximité compromettante, qu’elle soit physique, affective ou institutionnelle, afin de protéger à la fois la victime et eux-mêmes. Enfin, pour mener cette mission dans la durée et avec justesse, il est indispensable qu’ils soient accompagnés régulièrement, notamment à travers des temps de relecture, de supervision ou de formation continue.
France Victimes : un partenaire essentiel au cœur des accompagnements
Les échanges ont souligné l’intérêt de renforcer les liens entre les cellules d’écoute et les associations France Victimes, présentes dans chaque département. Celles-ci peuvent offrir :
- Un suivi psychologique gratuit à court ou moyen terme,
- Un accompagnement juridique,
- Une aide dans la constitution de dossiers pour l’INIR ou la CRR.
Défis futurs : personnes vulnérables et double structure
Juristes et professionnels s’accordent sur un constat : la notion de « personne vulnérable » demeure floue et varie sensiblement selon les contextes; qu’ils soient médical, juridique ou canonique.
Face à cette ambiguïté, il devient urgent d’agir sur plusieurs fronts. D’abord, en clarifiant les définitions afin d’unifier les pratiques et les protections selon un cadre commun. Ensuite, en envisageant la création d’une deuxième cellule d’écoute, spécifiquement dédiée aux adultes vulnérables, à une échelle provinciale. Enfin, en développant des formations spécifiques, à l’image d’un MOOC actuellement en cours de conception, qui abordera de manière approfondie la problématique des abus envers les adultes vulnérables.
Une dynamique collective tournée vers l’avenir
Cette journée a mis en lumière un programme riche, mêlant échanges d’expériences entre membres des Cellules d’Écoute, témoignages de victimes adultes, et interventions d’experts : juristes, psychologues ou encore éducateurs. Elle a également été l’occasion de présenter des outils concrets pour demain, comme le jeu pédagogique “Les 7 lieux”, conçu en partenariat avec le CRIAVS et l’enseignement catholique (prévu pour 2026), ou encore l’annonce d’un Mooc national sur la prévention des abus, en lien avec le pèlerinage du Rosaire (lancement également en 2026).
Au-delà de la richesse du contenu, cette rencontre a rappelé que l’écoute des victimes est un ministère à la fois exigeant et délicat, qui requiert formation, cadre, humilité et discernement. Les Cellules d’Écoute occupent une place essentielle dans la prévention des abus et l’accompagnement des personnes blessées. Elles doivent continuer à avancer sans précipitation, mais avec détermination, en s’appuyant sur des repères clairs et une vigilance constante.
