Le 31 mars et le 1er avril 2025, l’Assemblée plénière des évêques de France s’est réunie à Lourdes. Le silence autour des violences sexuelles dans l’Église a été abordé. L’Assemblée a réaffirmé son engagement dans la lutte contre ces violences. Ces deux jours d’échanges, de témoignages et de réflexions ont permis de faire le point sur les avancées réalisées et de mesurer le chemin qu’il reste à parcourir. Plusieurs membres du Pôle Provincial de Toulouse ont participé à ces rencontres. Vous trouverez ici le compte-rendu qu’ils en ont fait. Cela ne se substitue pas au communiqué officiel de la Conférence des Évêques de France.
Un état des lieux marqué par la reconnaissance et l’action
Mgr Éric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims et président de la Conférence des évêques de France (CEF), a rappelé l’importance du travail engagé depuis la publication du rapport de la CIASE et la lettre du Pape François adressée au peuple de Dieu. Bien que des progrès notables aient été réalisés, les défis demeurent, comme en témoignent les récentes affaires impliquant des établissements catholiques, tels que Bétharram.
Lors d’une table ronde sur le thème « Où en sommes-nous du chemin engagé ? », une victime a mis en lumière l’impact positif de la reconnaissance institutionnelle. Elle a également souligné que la lutte contre l’oubli et le silence reste d’actualité. « Les fruits sont là, mais les piliers ont disparu », a-t-elle déclaré, illustrant ainsi la difficulté de reconstruire après un tel traumatisme.
Céline Hoyeau, cheffe du service religion au journal La Croix, rappelle la réalité complexe de cette situation. Malgré une certaine fatigue informationnelle et une envie de tourner la page, les abus restent un problème majeur. Il est impossible de les ignorer. Une question fondamentale se pose : l’Église doit-elle être plus proactive ? En particulier, certains aspects demeurent peu abordés, comme les abus spirituels et l’emprise. Les victimes les vivent comme des « viols intérieurs ».
Depuis le rapport de la CIASE, l’évangélisation s’oriente vers un plus grand respect d’autrui. Mgr Vincent Jordy, archevêque de Tours, a souligné cette nécessité, affirmant : « Il faut se mettre aux côtés des victimes, et non face à elles. ». Ainsi, il a rappelé l’importance d’une écoute bienveillante et d’un accompagnement authentique, concluant que les prêtres coupables d’abus « font honte à Dieu ».
Une transformation en profondeur
Un des enjeux majeurs abordés lors de cette session a été l’exercice de l’autorité dans l’Église. De plus, la place des laïcs dans la prise de décision a également été discutée. Les évêques ont adopté de nouveaux statuts pour la Conférence des évêques de France. Ils ont aussi mis en place un Conseil élargi pour 2026. Ces mesures marquent un tournant vers une gouvernance plus inclusive.
Les discussions ont permis d’analyser les causes profondes des violences sexuelles. Elles ont aussi conduit à repenser les pratiques de l’Église. L’objectif est de favoriser un véritable changement dans ses façons d’être et d’agir.
Des initiatives concrètes pour un avenir plus sûr
Cette session a abordé un enjeu majeur : l’exercice de l’autorité dans l’Église. Les évêques ont aussi discuté de la place des laïcs dans les décisions. Ils ont adopté de nouveaux statuts. En 2026, ils créeront un Conseil élargi. Ces mesures ouvrent la voie à une gouvernance plus inclusive.
Les discussions ont également permis d’analyser les causes profondes des violences sexuelles et de repenser les pratiques de l’Église afin de favoriser un véritable changement dans ses façons d’être et d’agir.
Reconnaissance et silence : aider dans la reconstruction de chacun
Lors de la table ronde « Accueillir, écouter et accompagner les personnes victimes », les participants ont souligné les efforts déployés pour répondre aux attentes des victimes de violences sexuelles dans l’Église, tout en mettant en évidence les défis persistants.
Depuis janvier 2022, l’INIRR a reçu près de 1 600 demandes de victimes, dont 1 200 ont été accompagnées. Parallèlement, la Commission reconnaissance et réparation (CRR) a traité 1 065 dossiers. Cependant, ces chiffres ne représentent qu’environ 1 % des victimes estimées par le rapport de la CIASE, qui évaluait à 216 000 le nombre de personnes abusées entre 1950 et 2020.
Jean-Marc Sauvé a souligné que les victimes sont devenues des témoins des conséquences profondes de ces violences, qui entravent leur existence. Il a dénoncé l’environnement institutionnel ayant couvert ces actes, qualifiant cette situation de « proprement dégueulasse », et a mis en garde : « Le silence de long terme permet le crime parfait ! »
Marie Derain de Vaucresson, présidente de l’INIRR, a insisté sur la nécessité de tenir les engagements envers les victimes, qui attendent une reconnaissance sincère de leur souffrance.
Antoine Garapon, magistrat, a décrit les abus comme une « dévastation dans une vie ». Il a ajouté : « Au lieu du salut, c’est la mort », soulignant que la reconnaissance financière est cruciale pour témoigner de l’engagement envers les victimes. Il a également évoqué la justice restaurative, visant à réparer les torts et restaurer les liens sociaux, et insisté sur l’importance de nommer clairement les actes, comme le terme « crime » lorsque cela est approprié.
Vers une Église plus transparente
L’Église doit désormais assumer une posture d’humilité et de transparence. Comme l’a affirmé Mgr de Moulins-Beaufort, « l’Église n’a pas le droit de revendiquer une crédibilité sur les abus, mais elle doit continuer à objectiver avec des chiffres ».
Des chemins de réparation existent, mais certaines blessures resteront à jamais ouvertes. Plutôt que de fuir, souvenons-nous que le maintien du silence devient celui de la collaboration. Il est donc indispensable de mettre un terme à cette culture du silence. N’ayons pas honte des victimes, mais demandons la grâce de la honte. Seule une action sincère et continue pourra reconstruire une confiance durable.
Ainsi, cette session de printemps marque une nouvelle étape dans le travail de vérité et de justice que l’Église s’efforce de mener. Loin d’un simple exercice de communication, il s’agit d’un engagement profond, dont l’efficacité se mesurera dans le temps et dans les actes.